C’est un beau roman, c’est une belle histoire…. La ballade est restée fameuse et mélodieuse. La « petite musique » de Channel, qui l’emmena au Prix de Diane, l’est demeurée aussi. Inoubliable aventure pour Samuel de Barros et son épouse, Elodie, les animateurs du Haras des Authieux. Une histoire comme les courses savent en écrire ; un roman où le cheval est à la première place, avec pour héroïne une star nommée Channel
Sa passion du cheval et des courses, Samuel de Barros la doit à son mariage, car ce juriste parisien, spécialisé dans le droit des affaires, amateur d’art et d’histoire, n’y était pas prédisposé. Mais les pur-sang ne sont-ils pas, à leur façon, une œuvre d’art ? Samuel de Barros aime ce qui est beau et, au contact de son épouse, qui a pratiqué l’équitation très jeune et a entrepris de relancer l’historique Haras des Authieux, au pays du Merlerault, dans l’Orne, il se prend de passion pour le cheval. Mais là où Elodie « trotte », lui « galope ». Le pur-sang l’émeut davantage que le trotteur, les courses de galop le font vibrer, l’électrisent… C’est comme un coup de foudre ! Aussi, avec le concours du courtier Bertrand Le Métayer, il se met en quête, dans la perspective de l’élevage et avec l’ambition de l’excellence, de pouliches au sortir de la compétition, propres à lui servir de tremplin dans la partie. Nous sommes en 2017 et la première poulinière pur-sang à arriver aux Authieux est Embiyra, une « Aga Khan » de grande naissance, acquise aux ventes d’Angleterre. Une demi-douzaine d’autres vont suivre, au profil similaire.
Que ce soit au pré-entraînement, chez Philip Prévost-Baratte, en Normandie, ou à l’entraînement, chez Francis-Henri Graffard, à Chantilly, Channel va progresser par paliers, par étapes. Calme, détendue, maniable –des qualités propres à la famille–, elle fait ce qu’on lui demande et apprend vite, sans, pour autant, qu’on lui demande trop, trop tôt. Car, avec elle, les mots d’ordre sont patience et longueur de temps, Samuel de Barros ne mettant, surtout, aucune pression à personne. Il savoure les semaines et les mois qui passent, d’autant que les nouvelles qu’on lui donne de sa protégée sont toujours bonnes. Channel ne court pas à 2 ans, mais on sollicite pour elle les engagements classiques à 3 ans. Elle n’a pas encore débuté, mais Samuel de Barros se prend à rêver.
La première sortie publique de Channela lieu le 29 mars 2019, à Saint-Cloud ; elle se classe satisfaisante seconde, derrière une pensionnaire d’André Fabre, aux couleurs des associés de Coolmore ; d’entrée de jeu, Samuel de Barros est dans la cour des grands ! Quatre semaines plus tard, sur l’hippodrome de Lyon-Parilly, la pouliche ouvre aisément son palmarès, montée pour la première fois par Pierre-Charles Boudot ; dès son deuxième essai, la casaque de Samuel de Barros étrenne le succès. Les choses sérieuses commencent une vingtaine de jours après, à Chantilly, sur le parcours du Prix de Diane, dans le Prix de la Chapelle-en-Serval, une course de Classe 1 ; Channel y monte sensiblement de catégorie, mais ne s’en impose pas moins aisément, dans un lot de qualité, rassemblant une demi-douzaine de pouliches déjà « black-type » ou appelées à le devenir ; voilà sa candidature au Prix de Diane définitivement actée. Le jour J arrive : nous sommes le 16 juin 2019, dimanche de Fête des Pères. Est-ce là comme un signe ? En effet, plusieurs des membres de l’entourage de Channel –les Barros, Pierre-Charles Boudot, Bertrand Le Métayer– ont perdu leur père tôt dans la vie ; présents dans leur mémoire, ceux-ci le sont d’autant plus en cette journée qui leur rend hommage et on se plaît à imaginer que ce Prix de Diane va se courir sous leurs bienveillants auspices… Toujours est-il que la course se déroule comme dans un rêve : Channel prend un départ de choix, se pose sur la main de Pierre-Charles Boudot, qui la place en position d’attente, tout près de la tête, bien à l’abri ; la pouliche ne tire pas, préservant sa pointe ; à mi-ligne droite, elle se dégage et son jockey peut l’étendre ; elle met un coup de reins déterminant pour prendre l’avantage, avant d’en redonner un, aux abords du poteau, pour conserver le meilleur. Samuel de Barros est sur un nuage, étant, sans doute, le seul propriétaire qui, avec son premier et unique cheval, ait pu remporter un classique de l’envergure du Prix de Diane. Un peu plus tard, le président de France Galop, Edouard de Rothschild, soulignera, dans un « tweet » : « C’est la victoire de la nouvelle génération : bravo ! Le galop français a de l’avenir. »
Samuel de Barros fera ensuite preuve de beaucoup de sagesse. Après une tentative en Angleterre, durant l’été, sa championne passera un peu de forme et, sans mal courir, ne montrera pas son vrai visage dans le Prix Vermeille, le Prix de Diane de l’automne. Alors, il ne tergiversera pas et choisira de la retirer de la compétition, par respect pour la pouliche, estimant que, de toute façon, elle n’avait plus rien à prouver. Sauf au haras, bien sûr, où l’accueillir fut, pour lui, plus qu’un plaisir, un bonheur, un hommage, à celle qui lui avait tout donné en course et dont le potentiel à l’élevage constitue un bien si précieux qu’il n’est pas négociable, quel que soit le prix proposé.
Channel, on l’aura compris, a rejoint les Authieux. La beauté des lieux est un écrin qui lui sied. Il va de soi qu’on a choisi pour elle, d’emblée, les meilleurs étalons. Ainsi est-elle suitée, cette année, pour la première fois, d’une pouliche de Sea The Stars, tandis qu’elle a été testée pleine de Kingman. Entrée au haras intacte, sans que l’on ait jamais abusé d’elle en compétition, elle a toutes les chances de se muer en une poulinière à l’aune de ses performances. Et la saga de continuer pour Samuel et Elodie de Barros.